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« Bien mal acquis » des Bongo : BNP Paribas admet des « carences » mais pas d'« infraction »


La banque est désormais poursuivie pour des faits de « blanchiment de corruption et de détournement de fonds publics » en lien avec le clan Bongo.


La BNP Paribas, mise en examen le 11 mai pour le blanchiment d'« au moins 35 millions d’euros » avec lesquels la famille Bongo s’est acquis villas et hôtels particuliers en France, a reconnu des « carences » mais contesté tout « dessein frauduleux », selon son interrogatoire devant le juge.

Face au magistrat du pôle financier du tribunal de Paris, le représentant de la banque a soutenu que l’établissement n’avait pas connaissance que la famille Bongo « tirait les ficelles » du circuit financier et ignorait que l’argent provenait de potentiels détournements de fonds publics gabonais, dénonçant une « construction intellectuelle » de l’accusation.


« Incompréhension »

Cette mise en cause de la première banque française et européenne a fait franchir un cap décisif à cette longue instruction dite des « biens mal acquis » qui porte notamment, depuis 2010, sur le luxueux patrimoine immobilier acquis par la famille d’Omar Bongo, président du Gabon de 1967 à sa mort en 2009 et auquel a succédé son fils Ali.


Si aucun membre de la famille, qui conteste tout détournement de fonds, n’est à ce jour mis en examen, la BNP Paribas est désormais poursuivie pour des faits de « blanchiment de corruption et de détournement de fonds publics » en lien avec le clan Bongo.

Dans le détail, le juge d’instruction Dominique Blanc soupçonne la banque d’avoir permis à la famille Bongo et à ses proches, via une société dénommée Atelier 74, de « convertir des fonds d’origine délictuelle dans des opérations immobilières, à hauteur d’au moins 35 millions d’euros » qui leur auraient bénéficié « directement ou via des structures ». Le tout entre 1996 et 2008.

Mais devant le magistrat, le directeur juridique du groupe Georges Dirani a dit son « incompréhension ». Pour lui, la BNP a « activement et de manière transparente aidé la justice à clarifier un certain nombre de faits », notamment via une enquête interne de 2017. Celle-ci « a conclu que le compte d’Atelier 74 avait eu, il y a plus de dix ans, un fonctionnement atypique, soulignant certaines carences ». Cela « ne constitue pas pour autant des infractions pénales », a insisté Georges Dirani.


Douze biens immobiliers

Atelier 74, une entreprise de décoration intérieure, était chargée de dénicher les biens pour la famille du président gabonais et de les rénover pour plusieurs millions d’euros. La justice française soupçonne la société d’avoir reçu, sur ses comptes à la BNP, de l’argent en provenance de sa filiale Afrique, via un compte à la BGFI, une banque gabonaise. Ce compte recevait « des dépôts d’espèces en très grand nombre effectués par Omar Bongo et ses proches ».

Pour le juge, la BNP Paribas aurait dû « classifier » comme « sensible » le « lien d’affaires connu » entre Atelier 74 et Omar Bongo, repérer que « le volume des espèces était sans rapport aucun avec les émoluments » du président et « provenaient de détournement de fonds publics et d’actes de corruption ».

Mais le directeur juridique de la banque a fortement minimisé le degré de connaissance que la BNP avait de l’origine et de la destination des fonds déposés à la BGFI, banque longtemps liée à Paribas, jusqu’en 1998. Selon Georges Dirani, « rien n’établit » que la BNP « aurait été informée durant la période (…) que la famille Bongo tirait les ficelles derrière Atelier 74 ».


Étonnement des enquêteurs

Enfin, la BNP conteste avoir su que les chèques de banque qu’elle établissait en France pour Atelier 74 pouvaient servir « à la famille Bongo (pour) acquérir des biens immobiliers », bien au-delà pourtant de simples prestations de décoration intérieure. Dans le volet gabonais de cette retentissante affaire, qui s’intéresse aussi au patrimoine de la famille de Denis Sassou Nguesso, président du Congo-Brazzaville, les enquêteurs ont recensé douze bien immobiliers acquis à Paris et à Nice par le clan Bongo « à hauteur d’au moins 35 millions d’euros » à partir des années 1990.

Parmi ce patrimoine : deux hôtels particuliers dans des arrondissements huppés de Paris ainsi qu’une villa à Nice. « Il est difficile de croire que la banque à cette période n’a pas demandé des justificatifs de virement : origine des fonds, l’existence de contrat ou de convention passés entre ces deux entités », estimait l’Office central de répression de la grande délinquance financière dans une note de septembre. L’enquête interne de la BNP qui a fini par pointer les manquements date de 2017, soit six ans après les premières réquisitions judiciaires, s’étonnait l’OCRGDF.


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